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14.09.2011

Comment voulons-nous vivre ensemble ? (réflexion basique sur le modèle de société)

 


Benoist Apparu - Le OFF par franceinter

Le sujet de notre modèle de société est posé notamment par les évolutions très rapides des façons de vivre de nos sociétés. Même notre rapport au temps est mis en cause dans cette question. Et ce sujet est d’un niveau anthropologique : cela rejoint l’homme dans son existence à tous les niveaux. Ce serait donc une erreur de faire de la recherche d’un nouveau modèle de société un sujet seulement politique, ou seulement philosophique. Cela justifie qu’Edgar Morin réponde aux questions sur les enjeux actuels de la politique que nous avons besoin d’une « politique de civilisation ». Mais le travail de conception d’un modèle de société ne peut pas être mené par les partis politiques car la tâche est trop ardue pour eux. Ils ont trop peu de temps pour bâtir des consensus profonds puisqu’ils sont toujours en vue d’élections bien trop rapprochées les unes des autres. La durée nécessaire à élaborer un projet de société bâti sur une politique de civilisation dépasse évidemment deux années.

 

Pourquoi les philosophes ne se sont pas mis à ce travail-là ?  Peut-être car nos philosophes d’aujourd’hui sont des historiens de la philosophie. J’ai entendu cette critique l’an dernier et je l’ai trouvée dure. Mais elle a du vrai, c’est indéniable. En tout cas, le philosophe d’aujourd’hui n’est pas sur les devants de la scène politique. (BHL est un contre-exemple, bien sûr. Mais il ne propose pas de modèle de société… heureusement ?)

 

La question est donc : Qui peut proposer une nouvelle manière de vivre ensemble, une autre définition de notre corps social ? La réponse est : personne pour le moment. Et sans doute, si quelqu’un osait dire « je propose tel modèle de société », il serait disqualifié par un des aspects de son existence. Grosso modo, la critique faite à quiconque proposerait un modèle de société sera toujours que cette personne est soit « pas assez engagée », soit « trop engagée ».

 

Or, c’est clair : nous avons besoin de choisir ensemble un nouveau modèle de société. Celui dans lequel nous sommes aujourd’hui (en France, en Europe, en Occident) ne répond pas suffisamment aux objectifs portés par les déclarations des Droits de l’Homme. Aussi, nous voyons, et nous souffrons du fait que notre modèle de société actuel tangue. Enfin, des opinions dures, mais communes et fréquentes, sont exprimées pour justifier de plus en plus d’injustices. Exemples : « combattre le terrorisme par la torture systématique est compréhensible », « nous ne pouvons pas avoir suffisamment d’utilisation d’énergies propres pour assurer les besoins des humains », « on ne peut rien faire face aux inégalités abyssales de notre monde »… etc.

Cela donne une impression de renoncement. C’est du réalisme, disent les pessimistes. Cela fait militer les idéalistes qui tentent de crier plus fort. Mais ils crient les mêmes arguments qu’auparavant, et ne les retravaillent pas assez. Alors ces mêmes arguments sont à nouveau moqués par les réalistes-pessimistes.

Le dialogue entre ces deux perceptions est en panne. Cette absence de compréhension mutuelle entre deux tendances naturelles (regarder l’avenir pour progresser / regarder le présent tel qu’il est pour ne pas se planter) rajoute au délitement de notre confiance dans notre société, dans ses valeurs et dans ses buts.

Il est des peurs qu’il faut regarder en face. Aujourd’hui, c’est principalement notre avenir proche qui fait peur en France, pour des raisons d’abord économiques puis sécuritaires. Puis c’est notre avenir à moyen et long terme qui nous fait peur pour des questions de pollution et de ressources. Voilà pour un premier constat. La question qui me vient alors est la suivante : en quoi l’existence de ces peurs nous empêche de réfléchir à la société dans laquelle nous voulons vivre ? La réponse est assez facile. S’inquiéter pour l’avenir proche nous prend de l’énergie, du temps, de l’argent. Cela empêche de nous consacrer davantage à des projets à plus long terme, de plus grande envergure, des projets plus ambitieux en terme de rassemblement large de personnes très diverses.

(Une société humaine est nécessairement formée de personnes très différentes. Toute tentative de normalisation des être humains est vaine, même si on peut croire à certains résultats de ces tentatives de normalisation par moment. La télévision paraît bien le meilleur exemple, c’est un terrible outil de normalisation des personnes. Mais fermons cette parenthèse.)

 

Je réfléchis beaucoup actuellement aux énergies humaines. Je trouve que notre société actuelle avale ces énergies. Cela donne des dépressions, des suicides… j’ai été très ému et très interpellé par les suicides des gardes-forestiers de l’ONF cet été. Etant prof, je me sens solidaire de toute réduction des moyens et de l’augmentation des missions données aux agents des services publics.

 

Comment tenir ?

En prenant soin de soi, évidemment.

Voici la première chose que je veux exprimer juste avant de parler de modèle de société : Prendre soin de soi n’équivaut pas à se protéger. Se protéger est seulement une partie de tout ce qui est nécessaire pour prendre soin de soi. Prendre soin de soi passe beaucoup par des relations humaines satisfaisantes, donc forcément par du « donner » et du « recevoir ». Trop se protéger empêche cette respiration du donner-recevoir. L’ère sécuritaire commencée le 11 septembre 2001 fait qu’on étouffe de plus en plus depuis 10 ans. Respirons. Echangeons. Partageons.

 

(bientôt la suite?)