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27.12.2010

Menace de démission

 

Monsieur le Président de la République,

Je vous écris sous le coup de la colère. Pourtant, ce que j’ai à vous dire est tout ce qu’il y a de plus objectif.

Je viens de finir ma tournée de la distribution des cadeaux de Noël 2010. C’est un service public auquel je me suis astreint avec dévouement et rigueur depuis que Coca-Cola m’a peint en rouge et blanc et que les traditions occidentales m’ont surnommé « Père Noël ». J’ai toujours pensé que mon devoir était de servir tous les enfants, et que, au milieu d’une époque si terrible ayant inventé les mots de « guerre totale », de « génocide » et de « bombe atomique », il fallait me donner à 200% pour offrir du rêve aux plus-petits pour leur faire supporter ensuite, grâce à la nostalgie d’un amour et d’une générosité apparemment sans limites, une vie de « grand » au sein d’une société si violente et si morose, au sein d’une humanité si fragilisée par ses propres puissances et si destabilisée par ses propres certitudes. Et puisque justement aujourd’hui, ses certitudes n’existent plus, l’humanité a besoin de moi, de cette croyance fausse, totalement assumée par les adultes, en mon existence et en ma capacité de super-héros à fournir en jouets et autres cadeaux un milliard d’enfants sur la planète.

Alors c'est sûr, monsieur le Président, chaque année, ce miracle a lieu. Certes, il n’a pas la même intensité partout, et l’argent fait une différence non négligeable dans la qualité du service public rendu au sein de la population. Notamment la population française, qui est celle pour laquelle je vous écris aujourd’hui.

Bien sûr, vous allez me répondre : Est-ce que c’est normal que moi, je sois rendu responsable d’une tradition existant déjà bien avant que la gauche ait réussi à avoir un président de la république ? , ou bien peut-être même : Je n’ai pas été élu pour remplacer le Père Noël .

Non, certes. Je suis là, et bien là, monsieur le président. Mais pour combien de temps ? Vous savez bien qu’il faut avoir une vision mondialisée de la situation aujourd’hui. Or, en Asie, aujourd’hui, pour des raisons culturelles autant que financières, je n’ai qu’une petite tournée à effectuer. Mais voyez-vous, cela commence à changer. La fête de Noël est de plus en plus fêtée en Asie. J'y ai par exemple constaté cette erreur farfelue de croire que si on est modernes, alors on doit fêter Noël à l’américaine. J’en ai parlé avec Ronald. Il ne sait pas encore combien de temps il va pouvoir développer ses MacDo. Il arrive à un niveau de saturation de production des Big Macs. Eh bien, tout comme il ne peut se permettre d’ouvrir un nouveau restaurant MacDonald sans y proposer des Big Macs au menu, je ne peux pas me permettre de proposer une tournée de cadeaux de Noël si je ne peux pas finaliser mon tour de la planète en une nuit. C'est tout ou rien. Certes, un enfant africain a un ou deux bonbons quand un enfant de Neuilly a 3000 euros en bons d'achat, voyages, et jeux vidéos. Mais ce n'est pas négociable, Noël, c'est pour tout le monde ou pour personne.

Or, sur la liste noire des Etats dont la qualité du support de mon service est en chute libre, croyez-moi, monsieur le président, votre pays, la France, est premier. Je sais le plaisir que cela vous fait de voir votre pays en première place. Et je sais que le plaisir de triompher avec votre médaille d’or n’est pas le plus intense. Je sais que c’est parce que vous avez tout fait pour que vos services publics soient décriés, afin de claironner en montrant vos sacro-saintes économies budgétaires. Cela pour continuer à faire la cour à un organisme nommé FMI, pourtant moribond, oui, mourant… quand bien même son chef a eu les honneurs de la presse d’Outre-Atlantique lorsque celle-ci a exposé la vigueur de sa capacité à reproduire l’espèce.

De mon point de vue planétaire de Père Noël, les fameux ajustements prônés par le Fonds Monétaire International méconnaissent tellement les réalités sociales des pays concernés que les économies locales sont assommées. C’est stupide car ces économies locales sont à 90% au service de la financiarisation des énormes capitaux mondiaux décisionnaires des bourses et des marchés. Le FMI scie la branche sur laquelle le capitalisme libéral est assis. Comment ? En empêchant la création de capital réel.

Mais je sais que vous ne m’autorisez pas à parler de production. Au moins, vous n’aurez pas l’outrecuidance de m'empêcher de parler de consommation… Etant moi-même le symbole absolu de la consommation des ménages. Ah, ça ! Le jour de l’année qui célébrait la beauté et la gratuité de la vie humaine et le si fort message d’amour et de paix,  est devenu la fête de l’abondance des cadeaux en plastique et électroniques. Mais comme je vous l’ai dit au début de ma lettre, je me suis fait tout-petit (devant une poupée, devant un pompier et son camion…etc.) et j’ai rempli ma mission de vendre du rêve, fier que j’étais de battre à plate couture les petits joueurs de Disneyland.

Seulement voilà : Soit je peux faire ma tournée en entier, soit j’arrête. J’ai déjà dépassé largement la limite des 67 ans. Un ami conseiller prud’hommal m’a totalement rassuré sur ce point précis : J’arrête quand je veux.

Jusqu’à présent, je pouvais faire la tournée d’environ 16 millions de « cheminées » en France, à raison de 0.0004 seconde en moyenne par foyer. Soit 6400 secondes, c’est à dire 1 heure et 46 minutes. Le ministère de l’immigration, duquel vous m’avez fait dépendre depuis 2007 (ce qui constitue une très gênante faute technique, je vous le rappelle à nouveau), m’a demandé de faire mon service en respectant le chiffre de 0.0002 seconde par cheminée. Je lui avais pourtant fait parvenir le détail de mon service justifiant l’impossibilité de cette mesure.

En voici le rappel, et mettez-vous bien dans le crâne que c'est le dernier: Comme vous le vérifiez par ce chiffre mathématique et officiel de 0.0002 seconde, les enfants desservis à Noël ne peuvent pas me voir passer. Ni à l’entrée, ni à la chute, ni à la sortie de la cheminée. Même pas m’apercevoir. Il faut en effet un 24ème de seconde pour cela, soit au moins 0.042 seconde. Mais les services sociaux ont été formels, mon apparition doit être à chaque fois d’au moins 1.12 seconde pour permettre aux enfants bénéficiaires de profiter vraiment de cette apparition. De plus, ils m’ont fait part de votre souhait que davantage d’enfants me voient, avec un chiffre qui passerait de 1.3 à 2.2 % des enfants. C’est une croissance molle mais une croissance quand même, monsieur le président.

Et encore une fois, monsieur le Président,   vous augmentez le nombre de missions d’un service public et vous en diminuez les moyens.

Je ne pourrai pas desservir tous les foyers et hôpitaux de France en cadeaux et en apparitions lors du Noël 2011 dans ces conditions.

Je porte à votre connaissance mon statut de salarié ultra-spécifique :

-         je ne peux me rattacher à aucun syndicat (et encore moins créer le mien, je suis tout seul)

-         je ne peux donc pas non plus bénéficier d’une convention collective

-         je n’ai jamais eu le toupet de réclamer le droit de grève

-         ma demande « d’affiliation aux régimes spéciaux » a toujours été refusée par l’Assemblée Nationale à cause de tous ces corrompus de mes deux, osant railler les honnêtes députés, critiquant leur « croyance au Père Noël ».

 

Ainsi, monsieur Nicolas Sarkozy, je fais appel à votre conscience. Il ne s’agit pas d’un ultimatum. Il s’agit d’un fait.

Soit vous me permettez, non seulement de ne pas augmenter, mais surtout de baisser mon nombre d’apparitions en France lors de mes tournées de cheminées dans la nuit du 24 au 25 décembre, soit vos cadeaux, vous irez vous les faire fabriquer et livrer par vos nouveaux amis chinois!

Et là, ça m’étonnerait que la magie de Noël nécessaire à la paix sociale soit effective en 1 heure 46 minutes ! Foi de Père Noël !

Ayez du cœur, souvenez-vous lorsque vous étiez petit Nicolas, et sauvez le service public de Noël.

Ou alors, lors du dernier Noël de votre quinquennat, ce fiasco finira d’assombrir ce qu’il vous reste de popularité. Oui, je vous le déclare solennellement, un voile de plus en plus brun semble vous recouvrir, monsieur le Président.

Si vous ne regardez pas en face les méfaits accomplis au sein des services publics à qui on demande l’impossible en quelques minutes, par exemple à l’hôpital…, les Français ne pourront pas croire que c’est à cause du Père Noël.

Ne maltraitez plus les services publics. Car là brunit Sarkozy.

 

Bonne année 2011… quand même.

 

Veuillez croire, monsieur le Président de la République Française, en l'assurance de mes sentiments les plus respectueux,

                                                                                Le Père-Noël

 

 

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