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04.12.2008

Regardez bien l’actuelle Education Nationale, elle vit ses dernières heures

 


Je suis prof d’histoire-géo et je ne sais pas tout de ce qui se fera l’an prochain comme modification de l’organisation de la classe de seconde. Et pour cause, nous n’avons eu droit qu’à une mini-concertation, proposée au dernier moment, donc n’ayant quasiment aucune portée.

Il y a de bonnes idées, mais cela n’a aucune importance!! A quoi cela sert-il d’avoir des idées si les moyens ne sont pas là ???
Par exemple, on dit vouloir mieux accompagner les élèves, mais on renforce les difficultés du travail en classe, qui reste la base de l’apprentissage. En effet, préparez-vous: les classes vont être d’environ 40 élèves la plupart du temps. (ma source est anonyme: un directeur, mais pas le mien, après une réunion dans un rectorat d'une académie francilienne, mais pas la mienne...)
Et à 9 mois de la rentrée prochaine, tout n’a pas été communiqué aux lycées, loin de là !
Si vous me lisez jusqu’au bout, vous verrez que je réclame rien pour les profs, alors que si je commençais à parler des problèmes de notre métier, vous verriez que nous sommes à l’opposé de ces profs veinards qui ont la chance d’avoir tout le temps des vacances ! Bref.

Pour le collège aussi, des allègements sont prévus. Mais rien n'est encore ressorti de la concertation, qui certes a été réalisée dans des temps acceptables. Seulement, on ne sait pas comment nos idées vont être organisées. Il est très probable qu'on subisse ce même allègement de moyens.


Le but est d’avoir à moins payer de fonctionnaires, donc de réduire le volume horaire global de travail de tous les profs. Pourquoi pas? Mais le problème est que cela retire nécessairement des horaires aux élèves. Cela supprime des cours en demi-groupe, alors que ce type de cours est attendu par tout le monde : Parents, profs, et surtout élèves !
Attention, ce manque de moyens dans l’Education Nationale va rejaillir sur tout le monde … sauf les très très riches qui vont bientôt commencer à payer très cher un enseignement élitiste. Vont se développer les écoles, collèges et lycées à petits effectifs pour privilégiés.

L’égalité des chances était un problème, un débat. Elle était relative, voire très relative. Mais le principe existait. Elle vit ses derniers moments. Et il n’y a que quelques profs à son chevet.
Si j’additionne tout ce qui est prévu et déjà lancé comme changements pour l’organisation des classes de collège et lycée, sachant que je n’ai aucune idée de ce qui se fait dans le primaire (mais ça ne doit pas être mieux), j’ai mal à la tête:


1. Sous le prétexte de baisse démographique, on recrute moins de professeurs. Or, beaucoup de classes sont surchargées, dans le public comme dans le privé. Sachez que la norme est de 24 élèves par classe selon les règlements en vigueur. Mais puisque ce n’est jamais appliqué depuis des années, c’est oublié! Donc, lorsque l'on nous a dit qu'il y avait moins d'élèves démographiquement chaque année, on aurait dû répondre : "Ah! Alors on va pouvoir respecter les normes de nombre d'élèves par classe!" ... hum hum (chantons, ça défoule : "Mais ils sont où? Mais ils sont où les syn-di-cats? la lalala lala"...)

2. Les horaires par matières sont rognées, voire franchement diminuées suivant les disciplines concernées. La réforme de la classe de seconde pour la rentrée 2009 fait froid dans le dos à tous les profs. Ils craignent de devoir enseigner le même programme en moins d'heures par an avec plus d'élèves par classe. Absurde! Tout simplement absurde de baisser autant nos moyens. Nous n'aurons pas le temps de faire des activités dynamiques (au passage, on en n'aura pas l'énergie non plus!). Ce sera hélas plus de cours magistraux, avec un temps encore plus interminable à corriger les copies! Donc moins de temps pour préparer des activités novatrices. De toutes façons, comment pourrons-nous répondre aux demandes des inspecteurs de mettre les élèves en situation active dans le travail d'apprentissage si on est 40 sardines par salle?? Et comment en 55 minutes, suivre correctement le travail de 40 jeunes??? Jeunes qui, faut-il le rappeler, ont des difficultés de concentration et de compréhension globalement croissantes au fur et à mesure des années.

3. Sachez que l’an dernier, les profs de SVT (Sciences et Vie de la Terre, nouveau nom des sciences naturelles) ont manifesté. En effet, jusqu’alors, le temps à préparer les manipulations en labo était compté dans le temps de travail rémunéré, un peu mais pas suffisamment. Il est à présent réduit, voire pas du tout rétribué (ça dépend des établissements, si ils ont un employé pour cela en plus des profs ou pas)


4. Cette année, les profs de philo s’inquiètent pour les horaires attribués à leur matière dans les différentes sections. Ils ont manifesté.


5. Hier, c’était au tour des profs d’éco (SES: sciences économiques et sociales), et je n’ai pas eu le temps de me renseigner davantage sur ce qui les attend pour l’an prochain. A priori, le problème est que très peu d’élèves de seconde pourront choisir l’éco comme cours, vu qu’un certain nombre de matières importantes vont disparaître de la nouvelle organisation et que certainement, les élèves choisiront les matières anciennement obligatoires plutôt que l’éco (mais je ne suis pas sûr d’avoir tout bien saisi)

Je suis écœuré que l’Education Nationale soit vue uniquement sous l’angle d’un bilan comptable. Que les profs soient trop critiqués et surtout injustement, passe encore. C’est l’époque qui veut cela. Tout le monde en prend pour son grade.

Le fait que les rectorats mettent en place ces réformes est grave : ils renoncent aux objectifs pédagogiques écrits dans leurs propres textes. Ils sabordent le travail de milliers de pédagogues, dont ils sont responsables.

Mesdames et messieurs les citoyens, soyez les bienvenus dans le monde de l’hypocrisie. C’est celui dans lequel sont placés vos enfants. Auparavant, les moyens manquaient, ce n’était pas facile. Aujourd’hui, les moyens sont amputés, voire retirés.

Ceux qui ont du temps et des aptitudes pour suivre la scolarité de leur enfant au plus près sont les nouveaux privilégiés de notre république. Mais pourra-t-on encore longtemps parler de république?

Quant aux très riches, il ne leur reste plus qu’à méditer sur le chas d’une aiguille. Les conseils de belle-sœur pourraient s’avérer précieux … pour un homme et donc pour tout le pays.

 

(Personnellement, je vais sous peu cotiser pour la première fois de ma vie à un syndicat: la CFDT.)

 

 

1h du mat' , je me permets d'ajouter quelques liens:

http://www.rue89.com/marseille/2008/12/04/service-public-...

Appel du 8 novembre : L'Education Nationale en danger ! Pour une vraie formation des enseignants

Et sauvons les RASED !

Commentaires

Eh, ben! Heureusement que tu as finalement décidé de t'y mettre à nous parler d'éducation!
Il y aurait beaucoup à répondre, mais je suis moi-même dans un abîme de travaux à corriger, rendre, préparer sans compter mon mémoire qui doit être achevé début janvier... C'est ça la formation continue chez les enseignants: on n'arrête pas le boulot pour se former et en plus ça ne rapporte rien de plus d'avoir un certificat supplémentaire. C'est ça qu'il appelait la valorisation au mérite!
Il est vrai que nous travaillons pour la gloire, celle purement idéelle de faire reculer la barbarie!

Plus sérieusement, je lis Bentolila quand j'ai un peu de temps avant de dormir... Son travail sur l'acquisition du langage comme mode d'appréhension du monde n'est pas vraiment une idée neuve, mais appliquée à l'EN et à la situation critique dans laquelle nous sommes placés, elle est effrayante! La lutte contre l'inégalité passe pour lui par un travail sur la maîtrise de la langue comme instrument de pouvoir (domination du réel). Cela va de l'école maternelle où certains enfants arrivent déjà en situation d'insécurité linguistique, avec des repères flous en ce qui concerne l'utilisation de la langue comme mode de relation à l'autre et au monde. Cela part de là et passe au collège par une confusion absolue des sphères langagières entre la norme identitaire ou familiale qui induit un rapport fusionnel au langage (je suis ce que je dis) et la norme scolaire qui est aussi la norme sociale (dans laquelle je me mets à distance de ma parole, je considère le langage comme un objet et je peux ainsi maîtriser l'ironie, l'implicite et tous les instruments de la pensée raisonnée... et complexe!)
A ce propos, je n'ai pas vu Entre les Murs, mais d'après ce que j'ai compris, c'est une critique qu'on peut adresser à Bégaudeau de ne pas suffisamment permettre aux élèves la distinction entre ces sphères puisqu'il ne respecte pas en utilisant l'implicite (il insulte sans dire qu'il n'insulte pas!)l'attitude de probité intellectuelle et langagière dont parle Bentolila.

Il y aurait beaucoup à dire encore mais de ce point de vue, il est clair que des classes surchargées (j'ai 27 sixièmes dans mes deux classes avec des élèves très en difficultés, je suis contrainte d'adopter un rythme très lent qui me permet d'obtenir des réussites mais qui ne doit pas convenir à chacun) dans lesquelles les tensions liées à l'image que les élèves ont d'eux mêmes, les horizons peu reluisants que leur propose la culture télévisuelle, les difficultés relationnelles et familiales de tous ordres... Comment tenir sans se décourager, sans devenir parfois parano ou inquiets? Nous sommes si importants! De nous dépend une part de la confiance qu'ils peuvent accorder aux adultes et de l'envie de grandir malgré tout!

L'enseignement est un vieux métier et chacun croit au fond qu'il peut l'exercer ou du moins a une vague idée de la manière dont ça doit se faire puisque nous avons tous l'expérience de l'école... J'entends un père d'élève mardi soir me dire comment il faut que je m'y prenne pour donner des lectures aux élèves. Parce que c'était trop dur et que sa fille n'a pas réussi. Au fond, c'était de l'aide qu'il voulait et la certitude que je saurai l'accompagner dans ses difficultés... Mais le malentendu entre l'école et les parents sera tenace tant que nous nous sentirons jugés sans vouloir expliquer au fond en quoi consiste vraiment notre métier. Je lui ai montré comment je travaillais, j'ai sorti de mon sac une évaluation: il a été surpris! "Ca n'a rien à voir avec ce que je faisais au collège". Et aujourd'hui, une lettre me disant: "J'ai bien aimé vos explications. Est-ce que vous pourriez me donner le papier de l'interro pour que je la fasse mieux travailler?" J'ai gagné quelque chose à ne pas le prendre de haut, c'est sûr! Et la petite aussi, sans nul doute.

Je disais que la professionnalisation du métier est nécessaire! Bayrou a dit hier à Reims qu'on allait supprimer l'épreuve disciplinaire au concours au profit d'un renforcement des épreuves qualifiantes. Je ne trouve pas cela négatif dans la mesure où la formation universitaire prolongée est déjà une garantie en soi de la qualité de la formation disciplinaire. Je m'inquiète en revanche de la disparition des IUFM. Comme tu le dis pour la lutte contre les inégalités, ils ne sont pas parfaits, mais ils sont là et on y fait parfois des découvertes qui justifient amplement leur existence. J'attends de voir ce qui va les remplacer car on ne peut pas congédier sine die tous les formateurs. C'est de ce côté qu'il faut creuser avec les syndicats, c'est sûr! Les batailles disciplinaires ne sont pas vaines, mais il y a d'autres combats à mener sur l'éducation au choix, sur la trandisciplinarité des méthodes, sur la prise en charge de la difficulté scolaire, sur l'orientation...

De toute façon, là encore, il faut changer! Et nous allons cette fois y être vraiment contraints! Parce qu'il faut être honnête et le dire; jusque là , certains d'entre nous n'en avaient pas envie et préféraient, préfèrent encore d'ailleurs rester dans une posture traditionnelle de la transmission qui ne peut survivre au public que nous accueillons aujourd'hui.

Alors oui, il y aura une école de riches qui continuera à fonctionner comme avant! Mais si nous changeons, il peut ne pas y avoir seulement de l'autre côté, une école de pauvres... Une école différente, ouverte sur l'extérieur, innovante, et EXIGEANTE TOUJOURS! La baisse du niveau n'est pas une fatalité; il faut consentir à adapter ses méthodes. Réclamer des moyens ne suffit pas! Il faut penser et changer!

Je m'arrête, ce n'est déjà pas très sérieux d'y avoir passé tant de temps alors que mon paquet de copies n'est pas achevé! Merci en tout cas de susciter la réflexion sur ce sujet, fondamental pour le Mouvement auquel nous adhérons qui seul est en capacité de renouveler la pensée dans ce domaine (contre la droite économe et la gauche archaïque) et pour la société tout entière. Il faut se dépêcher de proposer!

Écrit par : mapie | 05.12.2008

+1

Écrit par : michel | 05.12.2008

Merci Guillaume

Écrit par : Claudio Pirrone | 05.12.2008

Venant de quitter le lycée, j'ai bien entendu quelque restes à faire valoir.

Tout d'abord, je tiens à redire que je partage le malaise grandissant du monde éducatif et que pas assez d'attention leur est accordée.
Cependant, il faut bien reconnaitre que la France est le pays qui dépense le plus d'argent dans l'éducation que les autres pays européennes et pourtant, elle obtient les pires résultats! Pourquoi ? parce qu'on à toujours cru qu'il suffisait de donner toujours plus d'heures de cours, de profs ou de moyens.
Il faut une approche différente.


Je tiens à revenir sur quelque passages :
- Je tiens à rappeler qu'il est strictement IMPOSSIBLE d'avoir une classe qui soit supérieur à 39 élèves, sinon elle est dédoublée. Même si plus de 30 s'est déjà trop.

- La suppression de l'heure de préparation de SVT est parfaitement justifiée. Franchement, à chaque fois que j'ai pu assister à un cours, malgré l'heure de préparation, il a toujours fallu préparer pendant l'heure de cours! C'est juste un retour à la réalité des choses.

- L'enseignement économique dans notre pays est totalement catastrophique. Non pas par manque d'heure de cours, mais dans la manière dont elle est enseignée. Je ne parle pas de mon cas personnel où je n'ai eu droit qu'à des cours totalement subjectifs mais à l'idée que l'on nous transmet du monde de l'entreprise et de l'économie en générale.

- Il est enfin grand temps de réformer le lycée. La disparition programmée de la filière L nous imposait de réagir. La concertation à lieu depuis des mois. Mais il est clair que la rentrée 2009 se passera dans la précipitation comme à chaque fois qu'une réforme est faite. Le rodage et les corrections viendront avec le temps. Il serait illusoire de croire qu'en repoussant d'une année tous les problèmes seraient réglés.

- La baisse du nombre d'enseignants n'est pas choquant en soi ,pour moi, tant que cela correspond à un effort de rationalisation. En revanche, je partage votre opposition à la suppression des RASED qui est pour moi une grave erreur.

- Quand aux programmes ils devraient selon mois être totalement revus, allégés et cohérent tout au long de la scolarité.

Romain MARIA
Conseiller national des Jeunes Populaires
http://romain.maria.free.fr

Écrit par : MARIA | 06.12.2008

Un lien intéressant sur la réforme des concours d'enseignement.
Je la connaissais mal et elle ici fort bien critiquée... et Darcos n'a pas encore décidé de la reporter...

http://sauvons-lecole.over-blog.com/article-25623128.html

Écrit par : Mapie | 15.12.2008

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