01.01.2010
La fin du mythe du Sauveur
Actuellement, parmi les grandes évolutions que vit notre monde, j’en vois deux qu’il faut regarder avec davantage de perspicacité.
La première est la fin du mythe du Sauveur.
Cette fin est lente, elle tarde. Oui, ce mythe a la vie dure, car nombres de démocraties sont pleines de citoyens qui, dans leur ensemble, croient que choisir la bonne personne à la tête de l’Etat est l’étape-clé pour faire progresser leur pays.
Un mythe consiste à transformer la perception des faits réels, en fonction de croyances surnaturelles non assumées.
(Ces croyances non assumées sont des superstitions. Une religion basée sur une foi personnelle et tolérante est faite de croyances assumées. Superstitions et mythes n’ont pas de place dans une religion profonde et ouverte. En théorie. Dans la vie, tout le monde croit plus ou moins aux mythes, et est plus ou moins superstitieux.)
Pourquoi continuons-nous de penser qu’un homme ou une femme choisi(e) par 50% +1 des électeurs recevra « la force toute puissante par le pouvoir du crâne ancestral » tels que l’auraient eue Vercingétorix, Jeanne d’Arc, Henri IV, Lafayette ou De Gaulle ?
La République n’a rien de sacré, et le choix du peuple n’est pas une onction. Notre république ne mérite pas qu’on lui invente un paganisme d’apparat.
Nous sommes responsables les uns devant les autres, et les uns des autres. Là est notre contrat social.
(Et si Dieu existe, il serait fier de voir que nous ne cherchons pas à inventer des idoles pour combler je ne sais quels vides de notre existence)
Si l’on a séparé le religieux du politique, ce n’est pas pour y réintroduire du sacré, mais bien pour continuer d’expurger la vie politique de certaines manipulations des esprits.
Nous sommes responsables les uns devant les autres, et les uns des autres. C’est là notre seule bénédiction.
Où chacun va-t-il puiser sa source d’inspiration, de force, de liberté, de vertu ? Cette question humaniste n’est pas à enfermer dans le champ du politique. Le politique doit se saisir de cette question, mais surtout en laisser la part belle à tous les humains, et notamment aux penseurs quels qu’ils soient : philosophes, anthropologues, religieux ou autres.
Exemple concret :
Obama ne se veut pas « sauveur », mais il veut être force de proposition et levier d’action. Seulement il lui a fallu user d’un peu de populisme, sans lequel il n’aurait pas pu gagner les élections de 2008, c’est évident. Et aujourd’hui, le voilà un peu coincé avec son « yes, we can » qui ne met pas en mouvement ses soutiens nombreux dans une dynamique convergente, car "yes, we can" …what ? ... "oui, nous pouvons", mais nous pouvons quoi ?
Nous sommes ici dans une conscientisation lente du fait que de nouveaux rapports entre le peuple et ses représentants sont à inventer.
En France, que Ségolène Royal ait gagné ou pas l’élection de 2007, la démocratie participative n’aurait de toute façon pas fonctionné.
Le modus operandi de la démocratie participative n’est toujours pas mis au point, ni par le PS ni par un autre parti.
Or, ce n’est pas parce que ce n’est pas encore au point que la démocratie participative ne doit pas être visée, ni que le mythe du Sauveur ne doit pas passer à la trappe le plus vite possible.
En outre, cette idée prônée par Ségolène Royal partait du même constat que celui que je fais maintenant : la démocratie par mandat, cette démocratie, comme je l’ai déjà dit ici, par « chèque en blanc » signé pour 5 à 9 ans, par les électeurs, ne suffit plus.
Notre « démocratie mandataire » actuelle crée une démocratie de vernis, cela revient à accepter la démagogie comme principe de gouvernement. Depuis 2 ans, pas un parti de France n'a pas formulé de critiques très sévères contre le gouvernement actuel et son maître, le président de la République, plus ou moins directement à cause de ce problème. Les décisions prises sont assumées par leur possibilité d’être prises. La légitimité de ces décisions compte évidemment, mais elle ne vient qu’après. Si vous acceptez de suivre mon conseil, observez avec cet angle de vue les débats sur n’importe quel média, c’est atterrant.
On m’avait opposé l’argument que faire participer à certains moments de la mandature les électeurs signifiait que : si les citoyens pouvaient donner leur avis - par exemple à moitié de mandat - , cela signifierait qu’ils pourraient changer les élus à mi-mandat et donc qu’il y aurait « mandat impératif », et que cela n’est pas possible constitutionnellement !
Je ne savais plus quoi répondre. J’étais un peu consterné par le fait que si on émet une idée, il faut être capable de dérouler toute la modification constitutionnelle, sociale et politique qui s’en suit. Bref, on ne peut avoir une idée que si l’on réinvente tout le système.
Nous y voilà : La deuxième grande évolution que je vois est la fin de la puissance des systèmes.
Mais mes écrits sur les systèmes ne sont pas aboutis. Si cela vous intéresse, il vous faudra de la patience, beaucoup de patience.
A plus tard.
:-)
14:28 | Lien permanent | Commentaires (12)
Commentaires
Philippe, votre commentaire n'a rien à voir avec le sujet. Je le retire. (mais bonne année à vous aussi :-)
Écrit par : GuillaumeD | 01.01.2010
Je trouve votre article très bon, et je souscris à cette idée de "fin de l'homme providentiel". Néanmoins gardons à l'esprit que les mécanismes politiques ont eux-aussi leurs dynamiques. A quoi servent les acteurs politiques (dans l'idéal...) sinon à faire la synthèse de ce que la société tout entière pense confusément, et à l'exprimer, voire le concrétiser. Donc un excellent acteur politique sera celui qui "sent" le mieux ce à quoi les gens aspirent. Ne croyez-vous pas que remplacer tout cela par une démocratie directe conduirait à un bouillonnement proche du mouvement brownien, c'est à dire une agitation dont ne sortirait rien de concret ? Et par ailleurs quelle solution pour la mettre en oeuvre ? Vote par internet ? référendums d'initiative polulaire ? sondages ? droit de véto aux comités citoyens ? J'aimerais voir des modèles concrets de démocratie directe.
Comment éviter que les inévitables petits malins se mettent en position de diriger la manoeuvre à leur seul profit ?
Bonne année à vous et à votre site !
Écrit par : Loebell | 01.01.2010
Gardez à l'esprit que dans les phénomènes physiques, même au sein des structures organisées ou lors des mouvements "nets", le mouvement brownien EST (encore et toujours) à l'oeuvre...
Sur la confusion entre démocratie participative vs directe, Guillaume a indiqué la voie...
Écrit par : florent | 06.01.2010
Votre commentaire est plein de bonnes choses.
Je ne répondrai hélas pas à vos questions, mais je veux rappeler que la démocratie participative, ce n'est pas la démocratie directe. Cette dernière n'est possible qu'à l'échelle d'un micro-État. (comme Athènes dans l'Antiquité)
D'où la nécessité d'inventer des modes de fonctionnement, qui ne font pas de chaque citoyen un acteur direct, mais un acteur tout de même.
Vos rappels de la valeur personnelle d'un individu et de son apport potentiellement décisif sont importants. Je ne le mets pas du tout en cause, comme vous l'avez manifestement compris.
Merci de vos vœux, et...
Bonne année!
Écrit par : GuillaumeD | 02.01.2010
J'ai retrouvé un article que j'avais écrit en 2008 contre le cumul des mandats, qui éclaire ma vision de la démocratie participative:
http://www.oeuvrer.org/blog/un-mois-contre-le-cumul-des-mandats/le-non-cumul-des-mandats-oui-mais-nest-ce-pas-larbre-qui-cache-la-foret/
Écrit par : GuillaumeD | 02.01.2010
Pour une reprise, tu fais (TRES) fort ! Je ne sais pas si tu es sur ces positions depuis longtemps ou si tu viens viens d'y parvenir récemment au terme d'une réflexion (qui se poursuit), mais le résultat est là et j'en suis très heureux :) Je suivrai avec attention la suite de ton évolution sur ces sujets.
Pour l'absence de critiques sévères, tu exagères... tu n'as pas lu/écouté François Bayrou, Corinne Lepage ou Jean-François Kahn (pour ne citer que quelques-uns des plus sérieux) =p
Écrit par : florent | 06.01.2010
Non, justement, Florent (mais ma formulation est alambiquée), je dis que tous les partis ont (au moins un peu) critiqué le gouvernement et le président de la République pour leur dérive monarchique et leur "démocratie de vernis".
Écrit par : GuillaumeD | 06.01.2010
Dont acte (-_-)'
Écrit par : florent | 06.01.2010
Très heureux de voir l'année aussi bien commencer sur guillaumed.hautetfort.com !
Et d'accord bien sûr, sur l'article.
Petit détail (qui ne change pas le fond) sur le "Yes we can". Ce n'était pas un slogan de la campagne Obama, contrairement à ce qu'on raconte en France (le slogan était "Change we can believe in"). La phrase a été popularisée par la chanson et la vidéo de Will.I.am.
C'était une phrase utilisée par Obama dans deux de ses discours après les primaires :
"Don't tell me we can't change. Yes, we can. Yes, we can change. Yes, we can. Yes, we can heal this nation. Yes, we can seize our future."
puis le discours du New Hampshire, celui repris par Will.I.am je crois :
http://www.culturekitchen.com/liza/blog/text_barack_obamas_speech_in_new_hampshire
"Yes we can to justice and equality. Yes we can to opportunity and
prosperity. Yes we can heal this nation. Yes we can repair this
world. Yes we can."
Certes les objectifs sont très élevés et une personne seule, à quelque poste qu'elle soit, ne peut les réaliser. Mais ... c'est justement ce que Barack Obama répète en boucle. Les progrès de la démocratie dépendent des citoyens, non du pouvoir. Faux espoir ?
"There has never been anything false about hope", dit-il dans le même discours.
Écrit par : FrédéricLN | 07.01.2010
@Frédéric
Effectivement, tu montres bien que mon exemple est caricatural dans la forme, mais au niveau du fond, ton rappel consolide mon argument selon lequel Obama a proposé aux citoyens américains de s'impliquer dans le changement, et non de le laisser faire par le personnel politique en place au pouvoir.
Vu que la caricature de son "yes we can" (pas de moi, même si je me suis laissé prendre) a eu un grand succès, cela prouve qu'il est grand temps de s'interroger sur le besoin de simplisme des masses populaires.
Écrit par : GuillaumeD | 07.01.2010
sur le fond, tout à fait d'accord.
Les "masses populaires" ne sont pas les seules à avoir besoin de messages simples. Je crains qu'ils ne gouvernent le monde à tous les étages. Il faut résumer. Comment le faire en restant vrai ?
Écrit par : FrédéricLN | 10.01.2010
Pas idiot, ce simplisme "à tous les étages". Je n'étais pas si pessimiste, mais il faut que j'y pense.
Rester vrai? Peut-être en faisant l'effort quotidien de distinguer la simplicité du simplisme, et le compliqué du complexe?
Écrit par : GuillaumeD | 12.01.2010
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